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ÉTATS-UNIS“Dallas, ton univers impitoyable…” et écolo ?


La série phare des années 1980 revient, ripolinée en vert. De quoi fidéliser une nouvelle génération de téléspectateurs, en surfant sur l’air du temps.

12.07.2012 | 

La nouvelle série Dallas enfin de retour sur la TNT

La nouvelle série Dallas enfin de retour sur la TNT

A son lancement, en 1978, le feuilleton Dallas ne parlait que de pétrole ; plus tard, il a fait une petite place à l’environnement. Mais, en réalité, Dallas, c’était avant tout du sexe, de la trahison et des conflits internes à la Ewing Oil, la compagnie pétrolière qui a fait la fortune de la famille Ewing. A la fin, deux frères – J.R. et Bobby – s’affrontent pour s’emparer du ranch familial de Southfork. L’intrigue rendait compte avec pertinence non seulement du secteur pétrolier, mais aussi du monde des affaires en général. Non sans voyeurisme et avec une bonne louche de sensationnalisme, elle donnait à voir le faste de l’existence de ceux qui ont réussi et nous offrait une vision fantastiquement reaganienne de ce qu’il en coûtait pour se hisser au sommet d’un secteur, en piétinant ses concurrents.Mais à l’époque le monde était différent. Le pétrole était le symbole de la prospérité de l’économie américaine. Le Texas connaissait son âge d’or et aux yeux des grandes entreprises l’écologie n’était rien de plus qu’un hobby pour marginaux.Aujourd’hui, les compagnies pétrolières restent aussi puissantes qu’autrefois, mais la richesse, la technologie et l’industrie se sont diversifiées et complexifiées. Les entreprises cherchent à être durables et socialement responsables – et elles en tirent profit. L’idée selon laquelle les ressources sont limitées et la protection de l’environnement est une nécessité est devenue dominante. Elle n’a plus rien de risible. Dallas version 2012 – qui débute sur fond de rivalité entre les fils respectifs de Bobby et de J.R. – semble s’évertuer à vouloir dépasser son passé, les deux pieds campés dans le pétrole, pour mieux nous parler du présent.

Une manne sirupeuse

Dans la scène d’ouverture, la caméra glisse le long d’une prairie verdoyante avant de buter sur une tour de forage perdue au milieu des arbres – il s’agit là d’une vision esthétisante, non d’une verrue dans le paysage. Bientôt, le pétrole jaillit du puits. Deux jeunes protagonistes, qui pensent avoir découvert “deux à trois milliards de barils”, sont aspergés d’or noir et s’embrassent sous cette manne sirupeuse. “Nous allons être plus riches que nous ne l’avons jamais imaginé”, claironne John Ross, le fils du vieux J.R. “Tout va changer.”Dans la nouvelle version du feuilleton, John Ross veut développer l’exploitation pétrolière à Southfork sans le consentement de Bobby. Opposé au pétrole, Christopher, le fils de Bobby, a créé Ewing Alternative Energy. Comme dans tout bon soap opera, tout est entremêlé et incestueux. Les deux jeunes entrepreneurs se battent pour l’affection d’Elena, une jeune créature plantureuse aux dents longues, qui se voit déjà en reine du pétrole et qui est accessoirement la fille de la cuisinière de la famille, et ce alors même que Christopher doit épouser une autre femme. J.R., ce bon vieux scélérat, toujours incarné par le comédien Larry Hagman, regarde tout cela avec amusement.“J’ai entendu dire que tu étais revenu avec une sorte de plan d’énergie alternative pour sauver le monde”, déclare John Ross à Christopher lors de leur première grande dispute autour de la table familiale.“Le pétrole appartient au passé, répond Christopher. L’avenir, ce sont les énergies renouvelables.”“Je ne pourrais pas être moins d’accord”, reprend John Ross.“Ce pays va bientôt se retrouver à court de ressources”, rétorque Christopher.Et ainsi, après les seize premières minutes de l’épisode numéro un, les enjeux fondamentaux de la politique énergétique américaine – euh, pardon, de la famille Ewing – sont posés. Christopher quitte finalement la scène sur les chapeaux de roue dans son élégant cabriolet électrique de marque Tesla. N’allez pas croire que Dallas se prend au sérieux. Là n’est pas l’idée. L’intrigue, superficielle, s’attarde autant sur les personnages sexy et les belles voitures que sur le pétrole. Parfois, on se croirait dans une pub de vêtements, avec John Ross qui caracole torse nu en boxer, ou la fiancée de Christopher qui folâtre dans les vestiaires du country club. “Ce serait peut-être bien d’en garder un peu pour la lune de miel ?” persifle Mme Stanfield, une noble amie de la famille qui vient interrompre les réjouissances.

Mais de temps à autre le feuilleton donne aussi dans le sérieux, par exemple lorsque Christopher présente à des investisseurs ses projets d’affaires dans les nouvelles énergies en cassant un bloc blanc gelé sur la table : “Allez, touchez. C’est de la glace, de la glace inflammable.”Une référence à peine voilée à la glace de méthane produite par le mélange d’eau et de méthane provenant de fuites de puits de gaz. Christopher explique qu’il s’agit d’hydrate de méthane, cette substance dont nous avons vaguement entendu parler lorsqu’elle a bouché l’installation de BP censée contenir le pétrole qui s’échappait de la plate-forme de forage Deepwater Horizon, dans le golfe du Mexique, en 2010.

Gaz naturel et énergie propre

Certes, mais le gaz naturel n’est-il pas légèrement différent de ce que l’on entend généralement par “énergie alternative” ? Peu importe. Pour Christopher, son exploitation serait une révolution, et là le feuilleton devient bigrement technique. “Vous vous souvenez de votre thèse sur le pétrole et la fracturation hydraulique ?” demande-t-il un jour à Elena, faisant référence aux méthodes d’injection d’eau dans les roches pour les fissurer et en extraire les hydrocarbures. “Je pense que je pourrai m’en servir pour extraire le méthane des hydrates, et ainsi empêcher le fond des océans de glisser.”“Si vous y arrivez, cela changera la donne”, lui répond-elle, non sans rappeler le débat actuel sur l’exploitation du gaz naturel.Et là Dallas met le doigt sur une question réellement sensible. Christopher prend conscience que son exploitation de méthane peut provoquer des glissements de terrain. “Il y a peut-être un lien entre l’exploitation du méthane et les tremblements de terre”, lui explique un scientifique chinois. “C’est dangereux.”Lorsque Bobby, moralisateur, ferme une tour de forage de Southfork, son monologue fait écho au choix auquel sont confrontés certains propriétaires terriens de Pennsylvanie et de l’Etat de New York. “Les gars, je sais que les temps sont durs, mais ce ranch appartient depuis cent cinquante ans à la famille de ma mère et je lui ai promis de ne pas forer. Désolé pour vos emplois.”Les répliques de Dallas – et J.R. en a de belles – en amuseront certains et en peineront d’autres, en particulier tous ceux qui ont des soucis avec le pétrole et avec les expériences d’hydrofracturation menées dans leur jardin.A la fin du premier épisode, de deux heures, on a un bon aperçu des grandes lignes de la nouvelle saison – et de ses belles plantes. Par définition, un écolo et un nabab du pétrole sont diamétralement opposés, nous disent les scénaristes. Nul ne sait ce que Dallas nous réserve pour la suite – ni si la nouvelle saison tiendra la distance en flirtant ainsi avec le débat sur l’énergie. Peut-être Bobby découvrira-t-il qu’outre la réserve de pétrole de un milliard de barils qui se cache sous son ranch il possède une chose bien plus précieuse dans le Texas postmoderne : l’eau.De quoi rendre le feuilleton Dallas vraiment intéressant.



15/07/2012
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