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Défense des riches

Pour Philippe Tesson, les insinuations que portent contre la famille Peugeot certains membres du gouvernement sont trop graves pour qu'on les laisse passer sans réagir.

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Photo d'illustration © AFP


 

On ne va pas s'apitoyer sur le sort de la famille Peugeot, elle n'est pas dans le besoin. Les insinuations que portent contre elle certains membres du gouvernement, et notamment l'accusation de dissimulation et de manquement au patriotisme, sont toutefois trop graves pour qu'on les laisse passer sans réagir, ne serait-ce qu'au nom de la présomption d'innocence, mais également pour ce que l'on sait des rapports entretenus avec l'honneur par cette famille tout au long de son histoire.

Nous n'avons ni la prétention ni la compétence nécessaires à juger de la qualité de la gestion de l'entreprise par ses héritiers, à plus forte raison dans l'ignorance où, à l'heure qu'il est, chacun se trouve des termes exacts de la crise qui la secoue. Et nous sommes comme tout le monde conscient et soucieux des conséquences sociales dramatiques que provoque cette crise. Mais rien ne justifie que le pouvoir désigne les coupables avant même que le procès ne s'instruise, et jette l'opprobre d'une manière aussi désinvolte sur les personnes. Rien, ni la morale ni l'intelligence.

Stigmatisation

Pour ce qui est de l'intelligence, l'erreur est élémentaire. La stigmatisation des dirigeants d'entreprise à laquelle se livre volontiers le nouveau pouvoir n'est certainement pas le meilleur moyen de les inciter à accepter les sacrifices financiers personnels qu'on leur demande, ni de créer ce climat de confiance sans lequel le "redressement productif" resterait un vain mot. Ces procédés n'encouragent pas plus les milieux économique et financier internationaux à vaincre la défiance que leur inspire la politique française.

Mais plus dangereuses nous semblent la signification et la portée morales de ces gestes intempestifs et radicaux que commet l'équipe gouvernementale lorsqu'elle entend marquer son souci de justice par un langage discriminatoire inadmissible.

À la limite, on veut bien que ceux qui nous gouvernent prennent l'argent là où il est, soit pour réparer des injustices trop insupportables soit pour relancer l'économie. Mais pas de cette façon-là. Pas en tenant ce discours-là. Pas en stigmatisant et en culpabilisant les riches, tout en utilisant le langage du rassemblement et de l'union. C'est une forme de racisme odieux.

Qui sont-ils ?

Après tout qui sont-ils ? D'où viennent-ils ? La majorité des Français les ont élus. Certes. Mais pas pour qu'ils divisent. Le suffrage populaire n'est pas la seule légitimité de leur pouvoir. Il les oblige à des devoirs moraux, à commencer par le respect des personnes. Les fautes commises en la matière par leurs prédécesseurs ne les autorisent pas à commettre les mêmes, mais à l'envers si l'on peut dire, comme si l'enjeu de l'exercice démocratique était la revanche alternative d'un camp sur l'autre.

Qu'ont-ils pour la plupart jamais risqué, jamais entrepris, jamais souffert ? Quelle relation particulière ont-ils avec la pauvreté qui leur donne le droit de condamner la richesse ? Comme la majorité des élites françaises, d'où d'ailleurs ils viennent, ce sont des enfants gâtés par le sort. Quand ils ne l'ont pas été du fait de leurs origines, ils l'ont été par la République. Ils en sont les pupilles. Faire HEC, l'Ena, passer par la Cour des comptes, sortir de l'X pour en arriver à dire qu'on est riche à 4 000 euros par mois, pour taxer à des taux confiscatoires l'argent qui fait la richesse nationale, pour jeter le discrédit sur les riches, et in fine pour augmenter le smic de quelques malheureuses dizaines d'euros par an, c'est lamentable.

Le pire est qu'ils savent, et l'on sait qu'ils savent. Ils connaissent les lois de l'économie, et la réalité, et la fatalité de la réalité. Moins d'arrogance de leur part, plus de modestie, beaucoup de sincérité, et les riches, qui ne sont ni plus ni moins patriotes que les pauvres, seraient prêts à faire ce qu'ils appellent des "efforts", à défaut d'adhérer à leurs choix idéologiques. Moins de haine surtout, ou plutôt moins d'incitation à la haine. La haine des riches, comme il y a la haine des juifs, la haine du peuple, la haine des autres.



22/07/2012
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