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Ces anciennes banques de l'empire britannique rattrapées par le scandale iranien

En 1959, le chah d'Iran, porté au pouvoir par l'influence des Britanniques et des Américains, se rend en visite officielle au Royaume-Uni. La même année, Chartered Bank signe un accord avec un financier iranien pour former l'Irano-British Bank, qui grandit ensuite rapidement : lors de la révolution iranienne, en 1981, l'établissement possède 24 agences, qui sont immédiatement nationalisées.

L'anecdote résume en grande partie le développement de Chartered Bank, devenue plus tard Standard Chartered : là où l'Empire ou l'influence britanniques se sont étendus, la banque a placé ses pions. Mais s'il fut longtemps sa principale force, cet entregent à l'international pourrait aujourd'hui coûter cher à la banque.

C'est en effet cette présence mondiale historique, qui s'étend de A comme Afghanistan à Z comme Zimbabwe, qui explique, au moins en partie, que c'est vers cet établissement que la banque centrale iranienne s'est tournée quand elle avait besoin d'effectuer des transactions en dollars.

Lundi 6 août, le département des services financiers de New York l'a accusée d'avoir effectué des transactions illégales pour le compte de clients iraniens, dont la banque centrale du pays : cela enfreint les sanctions américaines contre l'Iran. Au total, 60 000 transactions pour 250 milliards de dollars (202 milliards d'euros), réalisées entre 2001 et 2010, auraient été cachées aux autorités. L'annonce a eu l'effet d'une secousse sismique pour Standard Chartered, qui était la seule banque britannique à avoir échappé aux scandales récemment. Mardi, son action a chuté de 17 %.

PARALLÈLE ÉVIDENT

Mais l'établissement rejette catégoriquement les accusations. Il affirme qu'il a contacté de lui-même les autorités américaines en 2010 concernant ses transactions avec l'Iran, dont "99,9 %" respectaient la régulation, selon lui. Il n'estime qu'à 14 millions de dollars les transactions douteuses.

L'affaire pousse à dresser un parallèle évident avec HSBC, qui a été accusée d'avoir réalisé 16 milliards de dollars de transactions secrètes avec l'Iran sur une période de six ans, selon le rapport d'une commission d'enquête du Sénat liée à la sécurité intérieure révélé en juillet dernier. Les responsables de la banque, détermine le rapport, étaient au courant des "transactions secrètes avec l'Iran" depuis 2001 et jusqu'en 2007, pour un total de 25 000 opérations.

Quelque 16 milliards de dollars de transactions auraient été exécutés sans que le lien avec l'Iran ne soit mis à jour. "La grande majorité des transactions iraniennes, soit 75 à 90 % sur plusieurs années, ont été réalisées à travers HBUS (la filiale américaine de HSBC) et d'autres comptes en dollars sans qu'aucune connexion avec l'Iran ne soit dévoilée", précise le rapport. "De 2001 à 2007, deux filiales d'HSBC, HSBC Europe (HBEU) et plus tard HSBC Moyen-Orient (HBME), ont réalisé régulièrement ce type de transactions impliquant l'Iran à travers HBUS."

Par ailleurs, accusent les parlementaires, la banque a exposé le système financier américain à des opérations de blanchiment de l'argent de la drogue des cartels mexicains. HSBC a présenté depuis ses excuses pour des "erreurs passées" et annoncé une provision de 700 millions de dollars pour couvrir les frais juridiques correspondants.

HÉRITAGE DE L'HISTOIRE COLONIALE

Point commun de ces banques, dans les deux cas, il s'agit d'établissements dont le siège est à Londres, présents dans le monde entier et qui se sont développés en même temps que l'empire britannique.

La page de l'histoire coloniale est bien entendu tournée depuis longtemps, mais les deux banques fonctionnent encore en grande partie sur cet héritage. Leur spécialité demeure le financement de la mondialisation et des échanges internationaux. Si les salles de marchés et les produits structurés ne leur sont pas étrangers, ce n'est clairement pas leur point fort.

Standard Chartered réalise 90 % de ses revenus en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient. HSBC en fait les deux tiers dans les pays émergents.

Pour le premier des deux établissements, l'histoire commence en 1853. Sur autorisation de la reine Victoria, l'homme d'affaires James Wilson fonde Chartered Bank, ouvrant des bureaux à Bombay, Calcutta, Shanghaï, Hongkong et Singapour. Il finance le commerce du coton à Bombay, du riz en Birmanie, du sucre à Java... Après le creusement du canal de Suez en 1869 et l'extension du télégraphe en Chine en 1871, la banque joue un rôle majeur dans le développement du commerce avec l'Asie.

Dans le même temps, Standard Bank est créée en 1862 en Afrique du Sud, finançant mines de diamants et d'or. Un siècle plus tard, elle a 600 agences à travers le continent africain. En 1969, les deux établissements fusionnent, créant Standard Chartered.

HSBC a suivi la même logique. En 1865, la Hong Kong and Shanghai Banking Corporation ouvre ses portes. Trois ans plus tard, elle est la première banque à s'installer en Thaïlande, où elle est même chargée d'imprimer la monnaie.

Seule différence avec Standard Chartered : HSBC s'est fortement développée en Europe et aux Etats-Unis depuis vingt ans, reprenant notamment le CCF en France.



15/08/2012
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