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Un cachet et une saveur à préserver

BORDEAUX ET SA RÉGION

Amoureux de longue date du Bordelais, les Anglais regardent avec curiosité la région s’ouvrir au vaste monde. Ne risque-t-elle pas d’y perdre son charme ?

18.07.2012 | 

 

Les Anglais ont toujours eu un faible pour Bordeaux. La ville a l’avantage de leur offrir un échantillon bien commode des composantes de base de la vie française : des boulangeries-pâtisseries au charme d’antan, des églises sonores, de jolis cafés où officient des serveurs revêches, de vieilles rues pavées et des femmes qui filent à bicyclette tête nue. Ensuite, durant environ deux cents ans, l’Aquitaine a été terre anglaise, un repaire de chevaliers, une région parcourue par les troubadours, ravagée par la peste et d’interminables guerres. Mais peut-être les Anglais se reconnaissent-ils aussi quelque peu dans le caractère orgueilleux et réservé des Bordelais. C’est une ville qui ne s’est jamais souciée du tourisme, qui n’en avait nul besoin : elle s’était déjà bâti une fortune sur les épices, les esclaves et le raisin. En 1855, Napoléon III a fait dresser la liste des “meilleures” propriétés viticoles bordelaises, un recensement des meilleurs cépages présumés qui dicte encore de nos jours la hiérarchie et les prix de chaque vin. Cette classification de 1855 a constitué un coup de maître en matière de marketing. Elle a consolidé la superbe toute française et bien méritée de Bordeaux, alors que la ville elle-même déclinait.

Il y a une dizaine d’années, les immeubles de Bordeaux étaient encore salis par l’âge et la négligence, et la ville tombait en décrépitude, avec ses quais pourrissants et ses industries stagnantes. Les choses sont visiblement en train de changer. Avec force ronronnements et geignements, des trams modernes parcourent les pimpants boulevards. Sur la place principale, les colonnes corinthiennes du Grand-Théâtre de Victor Louis semblent scintiller. La vieille cathédrale fatiguée, consacrée en 1096 par le pape, se refait elle aussi une beauté. Et des étudiants en nage promènent les touristes à travers les rues sur de fragiles cyclo-pousse en plastique, montrant du doigt les sites intéressants dans un bien piètre anglais.

Passer la porte des châteaux

Comme l’on pouvait s’y attendre, le vignoble bordelais a été très lent à s’ouvrir aux visiteurs. En voiture, au milieu des vignes noueuses et sinueuses du Médoc, vous pouvez ressentir un sentiment persistant d’orgueil, de noblesse oblige. Les châteaux guindés et cossus se dressent, telles des tantes douairières, derrière d’imposantes grilles de fer forgé et de vieux murs de pierre, observant avec une joie mauvaise la splendeur tordue des pieds de vigne. Les pancartes affichant les plus célèbres noms de la viticulture défilent sous vos yeux : Latour, Lafite, Margaux, Pichon-Longueville. Elles pourraient tout aussi bien porter le message : “Veuillez passez votre chemin. Pour le commun des mortels, visiter ces lieux est mission quasi impossible.”

C’est pourquoi il est tellement réjouissant de voir quelques jeunes propriétaires de château commencer à ouvrir les portes de leur domaine. Au-delà des prix grotesques auxquels s’écoulent ses crus les plus célèbres, Bordeaux doit s’attaquer à une tâche difficile : garder sa pertinence face à la concurrence grandissante du reste du monde, malgré un cours de l’euro qui entrave les exportations et la perception de la région comme surannée et excessivement onéreuse. Mais la plupart des Bordelais savent bien qu’il serait mal avisé de se délester de l’héritage qui a fondé leur réputation. Les vrais gagnants de ce débat sont les visiteurs de passage, qui peuvent à la fois profiter d’une ville redevenue resplendissante et faire le tour des rares vignobles qui ont ouvert leurs grilles.



18/07/2012
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