TVLOIREATLANTIQUEENBRETAGNE

Rencontre de guitaristes au sommet

 

Richard Bona et Mike Stern étaient à l'affiche du Guitar Summit au Festival d'Antibes - Juan-les-Pins le 18 juillet.

Alignez cinq des plus grands noms de la guitare : Sylvain Luc, Philip Catherine, Biréli Lagrène, Mike Stern et Richard Bona. Ajoutez un groupe mythique, Troc, dont la place dans ce sommet de guitares tient à sa co-direction : Jannik Top (guitare basse), avec André Ceccarelli (batteur). Couronnez le feuilleté d'un abricot de l'année, Alex Suart, Grand Prix Jazz à Juan 2011, invité à ce titre à ouvrir ce sommet de la guitare (Guitar Summit). Ne secouez surtout pas. Quel type de soirée obtenez-vous ?

D'abord, une soirée brillante, variée, showcase de luxe, défilé d'idées, de styles, d'histoires. Mais aussi, une soirée aimablement frustrante. "Cinq génies ne font pas forcément un génie", faisait valoir backstage un observateur bienveillant. Manière aussi de rassurer les organisateurs, déçus, on peut les comprendre, de ne pas faire le plein - encore que la pinède soit très correctement peuplée -, avec un tel plateau.

Il faut dire qu'au lendemain d'une soirée accordée au seul Sonny Rollins (17 juillet), le dernier des géants, pour un concert pléthorique, et côté musique, et côté émotion, et côté légende, et côté public, et côté énergie, la partie n'est pas forcément facile. Juan-les-Pins se mesure tous les soirs à une jauge de paquebot (3 000 places), une équation à douze inconnues (quels artistes pour quels publics, dans quelles circonstances et quelle fourchette de prix), jamais aux intempéries, grâce aux dieux de la Méditerrannée. Laquelle sert de toile de fond, trop masqué par d'absurdes spots de plateau télé, cette année, aux concerts.

Guitar Summit au Festival d'Antibes - Juan-les-Pins le 18 juillet 2012.

D'Alex Stuart, le lauréat - on avait assisté à sa prestation de premier communiant, l'an dernier, à son élection, à son succès -, on dira qu'il est, de très loin, ce 18 juillet 2012 à Antibes, le plus formaté, le plus académique, le plus conventionnel, et bien entendu le plus jeune. Signe des temps, évidemment. Rien à ajouter. On espère simplement qu'il s'en doute. Juste pour mémoire, il fut le lauréat d'un jury très valeureux, mais pas celui du public. Il faudra y réfléchir.

Des autres, qui ne se sont jamais rencontrés, mais se sont succédé, on n'essaiera d'établir ni palmarès, ni même comparaison. D'évidence, ils jouent tous de la guitare, mais ils ne jouent pas du même instrument. Ils se respectent, se connaissent, s'écoutent, mais ils vont leur route. Sylvain Luc (le plus jeune, le plus aisé, le plus respectueux, le plus malicieux) dialogue avec Philip Catherine, vétéran, mais aussi Trésor national vivant, belge de surcroît (toute une école, dite René-Thomas), et au passage, ex-directeur musical de Mingus. Plus subtil, plus musical, plus amical, plus philosophique, que ce duo, vous aurez du mal à trouver. Moment de grâce scientifique.

Troc, toujours un énorme "groove"

De Troc, le groupe fusion, jazz-rock, de Ceccarelli et Jannik Top, on aurait pu penser que sa reconstitution ne s'imposait pas. Erreur. Ils ont encore assez de musique pour jouer sept ans, et assez d'énergie pour servir leur musique. L'énorme "groove" du tandem fondateur est inimitable et tiendrait la route devant toutes les rythmiques du genre. Ou presque. Jannick Top, impavide, tout en masse et en légèreté. "Dédé" Ceccarelli, tendu sur ses tambours et cymbales, tout en souplesse, seul à justifier la présence agaçante des écrans latéraux, syndrome des "grands" festivals qui empêchent la musique de se laisser voir. Et même de l'entendre. Sans compter le décalage non-synchrone entre la scène et l'image.

André Ceccarelli, le batteur du groupe Troc.

Mais un plan de coupe, toujours trop bref, épileptique, au gré de la régie, sur les poignets de Ceccarelli, ça vaut tous les discours de la méthode imaginables. Amaury Filliard et Julian Mazzriello complètent la formation qu'anime avec un superbe insensée le chanteur écossais Alex Ligertwood, ex-Santana, vocaliste singulier.

Biréli Lagrène, c'est toujours pareil : c'est-à-dire que ça ne l'est jamais. Là, hors sentiers battus de la musique manouche qu'il sert, on le sait, de façon éblouissante, il se présente en quartet : Franck Wolf (sax), Jean-Yves Yung (orgue Hammond B3), Jean-Marc Robin (drums). Une idée à la nano-seconde, autant de sonorités inédites, une façon qui n'appartient qu'à lui, Biréli en majesté. Backstage, Mike Stern rit de bonheur à chaque barré, ce qui fait beaucoup. En scène, Biréli le remarque, ce qui donne à cette soirée prestigieuse et très distribution des prix, son côté familier, proche : ils s'écoutent.

Avec Bob Franceschini (sax) et Dave Weckl (dm), entrent en piste, il est minuit, Mike Stern et Richard Bona (basse). Même pas une leçon, un vertige : une joie de l'entente et de l'entre-soi partagé. On ne sait quoi privilégier, des instants rock de Mike Stern, marchant en bord de scène, des alliages de sons au millimètre, ou des mélopées joyeuses et poignantes de Bona, le son du Cameroun, relayé par Mike Stern. Un des grands concerts de l'été.

Pinède archicomble ou pas, ceci : le public des guitares était un vrai public, attentif, connaisseur et joyeux. Mike Stern, quant à lui, star après tout, il suffit de relire son CV, a passé toute l'après-midi fastidieuse des balances (réglage du son), fastidieuse en raison du nombre de groupes et d'instruments, à écouter ses collègues assis sur une chaise, attentif comme un futur grand prix Jazz à Juan qui n'aurait pas peur de quitter la route ordinaire.



23/07/2012
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 3 autres membres