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La méthode Ayrault à Nantes

 

Le Point - Publié le 15/12/2011

Le nouveau Premier ministre a régné sur la ville pendant 23 ans. Le secret de cette longévité : une gestion consensuelle.

Jean-Marc Ayrault et son épouse Brigitte en gare de Nantes, le 6 mai dernier.

Jean-Marc Ayrault et son épouse Brigitte en gare de Nantes, le 6 mai dernier. © Nathalie Bourreau / Maxppp


 

Jean-Marc Ayrault est assis dans le fauteuil de maire de Nantes depuis le printemps de 1989: vingt-trois ans. Autant dire une génération. On a presque du mal à y croire, tant l'homme a su se préserver de l'usure du pouvoir. Son allure d'éternel gendre idéal, malgré ses 62 ans (il est né en 1950) et sa mise impeccable jouent en faveur de ce socialiste modéré. Mais le secret de sa longévité est ailleurs. Jean-Marc Ayrault a d'entrée inscrit son action dans la durée, commençant par redonner confiance à une ville secouée par une sérieuse crise existentielle. Il accompagne, depuis lors, le réveil de la cité des ducs et en incarne habilement le renouveau depuis la fin des années 80.

"Sa grande force est d'avoir toujours un coup d'avance, explique Ronan Dantec, adjoint écologiste à l'environnement et tout nouveau sénateur. Ainsi, dès le début de son premier mandat, il a misé sur la culture. Il a ensuite compris l'importance de la préservation de l'environnement, ce qui a nous a permis d'obtenir le titre de capitale verte de l'Europe pour 2013." De fait, en ouvrant les portes dès 1989 à la compagnie Royal de luxe, sur les conseils de l'un de ses fidèles, Jean Blaise, Jean-Marc Ayrault a réussi un coup de maître dont il ne mesurait sans doute pas toutes les conséquences à l'époque. Le débarquement de cette troupe de bricoleurs de génie a ouvert une ère d'effervescence culturelle. Elle a donné un coup de jeune à une ville qui se morfondait dans le marasme économique au lendemain de la fermeture de ses derniers chantiers navals.

Alliance

Les milieux économiques ont tout d'abord regardé cette ébullition avec scepticisme. Mais JMA, comme on l'appelle sur les bords de Loire, a très vite rassuré les industriels nantais, notamment en s'associant au grand projet de la chambre de commerce, qui militait pour un rapprochement avec Saint-Nazaire dans le domaine des industries aéronautique et navale. Cette alliance avec le monde économique, que la plupart des grands patrons évitent de confesser publiquement, de peur de se marquer politiquement dans une ville où la discrétion est considérée comme une vertu, est une constante depuis le début de son accession au pouvoir. Selon certains, cette entente expliquerait la faiblesse endémique de l'opposition à Nantes. Pourquoi changer de cheval, alors que celui-ci donne toute satisfaction ? En témoigne la défense sans faille du projet de plate-forme aéroportuaire à Notre-Dame-des-Landes, qui vaut pourtant au maire de Nantes une guerre acharnée depuis bientôt dix ans avec ses alliés écologistes, farouchement hostiles au projet.

Jean-Marc Ayrault a une conviction : Nantes doit prendre la place de capitale économique du Grand Ouest qui lui revient et se doter d'équipements à la hauteur de ses ambitions. N'en déplaise aux mauvais coucheurs. Le maire de Nantes s'inscrit dans une vieille tradition nantaise qui commande de laisser ses convictions politiques au vestiaire lorsqu'il s'agit de discuter du développement local ou régional. Il a ainsi travaillé en bonne intelligence avec Olivier Guichard, lorsque ce dernier présidait la région, pour implanter de grandes écoles d'ingénieurs à Nantes. Il n'hésite pas à dérouler le tapis rouge au maire de La Baule, Yves Métaireau, pour évoquer l'avenir de l'estuaire. Consensuel à Nantes, plus marqué politiquement à Paris, le député maire, président du groupe socialiste à l'Assemblée, a su jouer sur tous les claviers pour promouvoir sa ville.

Pour parvenir à ses fins, JMA n'en gouverne pas moins d'une main de fer dans un gant de velours. Son secret ? Une équipe restreinte de collaborateurs, qui lui vouent une fidélité sans faille depuis une trentaine d'années. Et à qui il confie, les yeux fermés, les dossiers les plus épineux.

Omniprésence

Issu d'un milieu modeste, devenu professeur d'allemand grâce à une bourse de l'État, Jean-Marc Ayrault doit aussi sa longévité à sa force de caractère. Il n'hésite jamais à mouiller sa chemise, notamment lors des campagnes électorales. Il fait partie de ces maires qui grimpent les escaliers des quartiers populaires et tirent des centaines de sonnettes à chaque échéance. Ce qui lui vaut une grande popularité dans les quartiers déshérités de la ville. Ses adjoints en savent quelque chose, qui sont invités à l'imiter et à payer, eux aussi, de leur personne. "Lorsque Pascal Bolo, son adjoint aux finances et conseiller général, se lance dans une campagne, il commence par s'acheter deux paires de baskets", confirme, amusé, un militant socialiste.

Cette omniprésence sur le terrain, que le maire laboure du jeudi au lundi, avant de regagner l'Assemblée nationale, agace une opposition qui peine à trouver ses marques face à ce bourreau de travail. Et dont le principal reproche est le cumul des fonctions que JMA exerce sur la ville. "Quand le président de Nantes Métropole rencontre le maire de Nantes et le président du CHU, il n'y a pas besoin d'un grand bureau, lâche Joël Guerriau, sénateur maire Nouveau Centre de Saint-Sébastien-sur-Loire. Jean-Marc Ayrault cumule les pouvoirs à un point qui dépasse l'entendement." De fait, l'ombre portée par la toute-puissance du maire, en contradiction avec les grands principes érigés par son parti, dérangeait jusque dans les rangs de sa majorité.

Le destin national, qui s'ouvre à lui, marquera une période de turbulences à la tête de la ville et de l'agglomération, en dépit de la présence rassurante de son premier adjoint, Patrick Rimbert. Ayrault en a conscience qui déclarait qu'"en tout état de cause, [il] ne laissera pas tomber Nantes."

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Par Philippe Dossal

Thierry Violland dessine la ville de demain

Collaborateur de l'ombre pendant près de quinze ans, l'ex-directeur de cabinet de Jean-Marc Ayrault à Nantes Métropole est sorti du bois en 2008 pour prendre la direction de l'Auran, l'agence d'urbanisme de la région nantaise. L'homme, affable et chaleureux, volontiers blagueur, a pris de la surface à ce poste plus exposé publiquement. Il est aujourd'hui chargé d'une grande opération de remue-méninges collectif, " Ma ville demain ", qui a pour objectif de dessiner les contours de la métropole européenne à l'horizon 2030. Un enjeu capital dans une agglomération menacée par un étalement urbain galopant et une saturation inquiétante de son réseau routier

Jean Blaise fait bouger la culture

Agitateur patenté, créateur des Allumées, fondateur du Lieu unique, Jean Blaise incarne le renouveau culturel et festif de la ville depuis plus de vingt ans. Jean-Marc Ayrault lui a confié une nouvelle mission l'an dernier : consolider l'image de Nantes en organisant un événement de portée internationale. Jean Blaise a ainsi pris la tête d'une nouvelle structure, la société d'économie mixte Culture et patrimoine, qui intègre l'office du tourisme. Et il a concocté pour 2012 une manifestation, " Le voyage à Nantes ", qui aura pour socle la biennale d'art contemporain Estuaire. L'occasion de mettre en lumière les grands monuments de la ville comme le château des ducs de Bretagne ou le théâtre Graslin



18/07/2012
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