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Hadopi : circulez, rien ne va changer

 

Le Point.fr - Publié le 18/07/20122

Malgré les promesses de François Hollande, la loi antipiratage n'est pas près d'être véritablement transformée.

Pierre Lescure, chargé de la mission sur Hadopi.

Pierre Lescure, chargé de la mission sur Hadopi. © Guillaume Baptise / AFP


 

Les électeurs dont le vote à la présidentielle a été influencé par le fiasco de l'Hadopi sous l'ère Sarkozy vont être bien déçus : François Hollande ne changera rien. Ou presque. Le nouveau gouvernement se dirige vers un lifting pour le moins léger, en lieu et place du changement promis. En ligne de mire de Pierre Lescure, chargé de la mission sur l'évolution de l'Hadopi et du droit d'auteur, la sanction ultime de suspension de la connexion à Internet devrait disparaître. Jamais appliquée, cette mesure dissuasive avait fait couler beaucoup d'encre pour finalement être enterrée dans les placards de la rue du Texel, au siège de la Haute Autorité. Sa suppression ne fera qu'entériner la situation, c'est pourquoi c'était la première mesure identifiée par Le Point.fr dans les changements possibles de la loi.

En revanche, tout le coeur de l'Hadopi, qui avait été si durement critiqué par l'opposition socialiste dont les députés Hollande, Ayrault et Filippetti faisaient partie (voir leurs citations ci-dessous), va, sauf surprise, rester en place. "La sanction est essentielle dès lors qu'il y a vol (ou) détournement ; elle est nécessaire", a expliqué Pierre Lescure mardi soir à Avignon, à l'occasion d'une conférence du think tank Altaïr, suivie par PC INpact. Le mécanisme de riposte graduée va donc perdurer. Il implique la surveillance des internautes par des sociétés privées - avec parfois des bugs incroyables -, financées par les ayants droit, puis l'envoi d'e-mails d'avertissement par l'Hadopi et, enfin, des amendes pouvant atteindre 1 500 euros.

La sanction "pas suffisante"

Pierre Lescure s'empresse d'ajouter que la sanction "ne peut pas être une réponse suffisante", évoquant le développement de l'offre légale ou encore une meilleure prise en compte de l'usager. Cela tombe bien, c'est exactement ce qu'avaient promis Christine Albanel et Frédéric Mitterrand, les deux ministres de la Culture qui avaient dû défendre le texte à l'Assemblée. Depuis sa mise en place, la Haute Autorité a donc lancé plusieurs projets qui, s'ils n'ont pas abouti à un nouveau modèle économique pour la culture et notamment la musique, ont bel et bien impliqué de nombreux spécialistes du secteur. Ceux-ci auront peut-être du mal à fournir des idées révolutionnaires s'ils étaient de nouveau convoqués, n'en déplaise à Aurélie Filippetti, la nouvelle ministre de la Culture.

Toutefois, il faut reconnaître que la situation est complexe pour le gouvernement. Car supprimer l'Hadopi, comme le réclament plusieurs voix au sein du PS, reviendrait à envoyer un signal très négatif aux citoyens, qui pourraient comprendre qu'ils peuvent télécharger illégalement avec la bénédiction des autorités. Par ailleurs, les ayants droit, privés de riposte graduée, pourraient se tourner massivement vers des poursuites pénales, aux sanctions potentiellement beaucoup plus lourdes pour les internautes. C'est une menace qu'avait clairement formulée la Sacem en 2009, lorsque le vote pour la loi Hadopi n'était pas acquis. Supprimer l'Hadopi du jour au lendemain est irréalisable, ce qui fait dire à Pierre Lescure que "la réponse graduée doit être sans doute affinée, sans doute nuancée, mais doit être maintenue". À bon entendeur...

"Usine à gaz juridique aberrante" (Filippetti, 2009)

Mais n'enterrons pas la mission Lescure pour autant ! Si elle est menée de façon productive, et surtout si elle ne subit pas exclusivement l'influence des lobbies de la culture, elle pourrait apporter des éléments intéressants non pas sur l'Hadopi, mais sur le droit d'auteur en général. C'est d'ailleurs le sens logique de la réflexion : redéfinir le cadre légal du droit d'auteur à l'ère numérique pour ensuite, éventuellement, en transformer les outils d'application (l'Hadopi). Plusieurs sources proches du dossier, du côté des institutions comme du côté de l'industrie, estiment que le gouvernement "fait ce qu'aurait dû faire l'ancien gouvernement depuis plusieurs années", à savoir "tout remettre à plat en commençant par les définitions et non par la sanction".

En attendant, les internautes ont beau jeu de ressortir les vidéos de 2009 où, lors des débats à l'Assemblée, l'on entendait les députés Ayrault et Filippetti démolir l'Hadopi, qualifiée de "ligne Maginot". "Ce projet de loi Hadopi est un texte hypocrite, mensonger, qui prétend défendre la culture et qui, en fait, ne résout rien, ne donne pas un centime de plus à la création culturelle", expliquait celui qui est désormais Premier ministre.

De son côté, la nouvelle ministre de la Culture dénonçait un texte dont "les limites et les dangers sont patents", un "dispositif inapplicable, inefficace et manifestement disproportionné au regard du déséquilibre qu'il instaure entre la protection du droit d'auteur et la protection de la vie privée". Pourtant, cette "usine à gaz juridique aberrante", toujours selon Aurélie Filippetti, va vraisemblablement être conservée par le nouveau gouvernement...



18/07/2012
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