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Cet été, prenez l’autoroute pour engraisser les géants du BTP

12/07/2012
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hansenn/Shutterstock
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Le prix des péages a une nouvelle fois augmenté en février dernier. Du pain béni pour les entreprises de BTP qui, depuis la privatisation des autoroutes en 2005, engrangent des bénéfices confortables au détriment des usagers.

Cet été, 43% des Français ne partiront pas en vacances. Et les chanceux qui emprunteront les autoroutes pour rejoindre leur lieu de villégiature le paieront au prix fort. En effet, en février dernier, le tarif des péages a augmenté de 2,5% en moyenne. Nicolas Dupont-Aignan, député de l’Essonne, dénonce une “hausse totalement injustifiée car plus importante que le coût de la vie*”. À cause des tarifs prohibitifs (un aller-retour Paris-Marseille vaut 110 euros), “les smicards ne peuvent plus prendre l’autoroute. C’est la liberté de circulation qui est en cause”, s’emporte-t-il.

Et cette augmentation n’a rien d’une nouveauté. Tous les ans, les sociétés d’autoroute (ASF, SANEF et APRR)  soumettent leur grille tarifaire à l’Etat qui vérifie si elle correspond aux augmentations négociées lors de contrats de plan quinquennaux, notamment sur la base d’un pourcentage de l’inflation (entre 0,7et 0,85%). Sauf que depuis la privatisation de la majorité du réseau autoroutier français, engagée par le gouvernement Jospin en 2002 et achevée par le gouvernement De Villepin en 2005, l’Etat ne décide plus seul du prix des péages.

“Système trop favorable”, “tarification opaque”

Ceux-ci sont négociés avec les groupes de BTP qui se sont arrogé la majorité des autoroutes françaises pour environ 25 ans, (Vinci, Eiffage et la société espagnole Abertis). Et autant dire que les pouvoirs publics ne pèsent pas lourd dans les tractations. Ainsi en 2011, Xavier Huillard, PDG de Vinci, menaçait de réduire ses investissements si l’Etat refusait d’augmenter les prix. Le gouvernement, non content d’avoir bradé les autoroutes (14,8 milliards au lieu de 24, comme le soulignait la Cour des comptes dans un son rapport annuel rendu en février 2009), a une nouvelle fois courbé l’échine devant les concédants en acceptant les hausses. Dès 2008, la Cour des comptes faisait état d’“un système devenu trop favorable aux concessionnaires” et d’“une tarification opaque”. Nicolas Dupont-Aignan qui dénonce “une escroquerie de grande envergure” a demandé une commission d’enquête parlementaire avant la présidentielle. Il l’attend toujours.

Certes, l’opération a permis d’assainir temporairement les finances de l’Etat, mais elle a aussi privé le Trésor public d’une manne financière colossale qui atterrit dans les poches de ces multinationales. En 2011, le chiffre d’affaires cumulé de ces entreprises frisait les 8 milliard d’euros, avec des taux de rentabilité proche de 50%, contre 6,9% en moyenne dans l’industrie (hors énergie).

“Ces sociétés peuvent dégager de gros bénéfices, mais il faut qu’elles remboursent la dette qu’elles ont contracté pour acquérir les autoroutes, justifie Jean-Charles Dupin, directeur des grands investissements et du développement d’APRR (Autoroutes Paris Rhin-Rhône) et seul représentant des sociétés autoroutières à avoir donné suite à nos demandes d’entretien. Les hausses ne sont pas scandaleuses. Il ne faut pas avoir honte de dire que les gens qui ont acheté ces autoroutes 15 milliards d’euros doivent être rentables. Surtout qu’avant 2006, l’Etat augmentait également les tarifs tous les ans.”

L’usager grand perdant

Quoi qu’il en soit, l’usager sort grand perdant de cette privatisation. “Les premiers axes autoroutiers, construits dans les années 60 devaient être amortis en 90 et normalement le péage devait tomber. Mais ils sont restés en place pour financer la construction de nouvelles autoroutes, ce qui a permis l’édification du réseau. Les premières autoroutes sont amorties depuis longtemps mais cela ne s’est jamais traduit par des baisses de péage, explique Daniel Dechaux, président de la commission infrastructure et mobilité de l’association 40 millions d’automobilistes. Aujourd’hui, les sociétés de BTP utilisent les bénéfices du péage pour rembourser les emprunts qui leur ont permis de racheter les autoroutes.” Résultat, les usagers payent une deuxième fois pour des autoroutes dont certaines sont déjà largement amorties.

Pour lui, “la situation de monopole actuelle ne laisse d’autre choix aux automobilistes que de payer, s’ils veulent rouler sur un réseau sûr. C’est une ségrégation sécuritaire par la route”, regrette-t-il. “Si on ne prend pas l’autoroute, on a cinq fois plus de chances de se tuer”, reconnait Jean-Charles Dupin qui précise que “la priorité pour notre entreprise, c’est la sécurité des usagers et le service du client”. Il met ainsi en avant les investissements réalisés (élargissement et construction de nouveaux tronçons, murs acoustiques…) pour justifier les hausses de tarif. “La sécurité à un prix”, argue-t-il.

Il oublie de préciser que ces investissements ont permis de réaliser des gains de productivité. En effet, l’installation des péages automatiques a permis de diminuer la masse salariale des entreprises sans que les usagers profitent de ces économies. Surtout que “les sociétés autoroutières appartiennent à des sociétés du BTP. L’argent qu’ils investissent d’un côté en élargissant ou construisant des routes, ils le récupèrent de l’autre en vendant du bitume”, note Daniel Dechaux qui connaît bien le dossier pour avoir été Directeur commercial d’APRR jusqu’en 2008.

Pour couper le robinet de ce qu’il appelle des “pompes à fric”, Nicolas Dupont-Aignan propose que l’Etat réquisitionne par une loi les autoroutes concédées en les rachetant aux sociétés de BTP. Du côté du ministère des Transports, on précise que “l’Etat est pour l’instant lié par des contrats et qu’il est encore trop tôt pour se prononcer. Il y aura une communication plus large après l’été”, nous assure-t-on. En attendant, c’est bien les usagers qui vont devoir payer la facture de ce cadeau fait par l’Etat à des géants du BTP qui, grâce à vous, passeront de bonnes vacances.


* L’inflation était de 2,1% en 2011



15/07/2012
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