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LES PYRÉNÉES Journal de bord d'une apprentie fermière

 

 


Une jeune Brésilienne décide de participer à la vie d’une ferme bio dans le cadre de la World Wide Opportunities on Organic Farms (Wwoof). Ce réseau propose une liste d’exploitations agricoles qui of­frent le gîte et le couvert en échange d’un travail bénévole. Elle découvre ainsi le village de Pouy-de-Touges, en Haute-Garonne. Extraits de son journal de bord.

20.07.2012 | 

 

Exploitation agricole des Pyrénées.

Exploitation agricole des Pyrénées.


Jour 1 J’ai rendez-vous à 14 heures. A la descente du train, je cherche le fermier tel que me l’a décrit sa femme dans son mail : “grand, cheveux longs et bronzé, comme tous les agriculteurs”. Comparé à mon mètre cinquante et quelques, Jonathan, 33 ans, est un géant. Je comprends tout de suite que la communication entre nous sera laborieuse. Marielle m’a avertie qu’il ne parle pas anglais. De mon côté, mon français est basique et a rouillé avec le temps. Nous allons à Pouy-de-Touges, un village de 600 habitants à 50 kilomètres au sud de Toulouse. Sitôt à la ferme, Jonathan me fait visiter ses terres. D’abord la yourte (50 m²) : Jonathan, Marielle et leur fille Salomé, 2 ans, y mangent et y dorment. A l’extérieur, la douche, dans une vieille caravane, et les toilettes sèches. “Pour uriner, on va dans la forêt”, m’explique-t-il. C’est au tour de mon logement : un bungalow en bon état avec matelas, couverture et coussin. Ensuite, je découvre les terres cultivées. Protégées par des hangars, voici d’abord les plantations de tomates, aubergines et courgettes. A l’air libre, on trouve les pommes de terre et les salades. Sur une butte les oignons, et à proximité les fraises. A l’autre bout des 8 hectares de la ferme, le lac sert essentiellement à l’arrosage des cultures. Jonathan précise que l’on peut y nager sans problème – à condition de se doucher juste après car les coliformes [bactéries d’origine fécale] pullulent… Voilà un joli baptême de wwoofeuse !

Jour 2 Le samedi est jour de marché. Nous partons à 6 h 30 dans une camionnette blanche avec Erwann, le voisin apiculteur. Quarante kilomètres plus loin, nous arrivons dans ce qui me paraît d’abord ressembler à une foire dans une rue de São Paulo. Deux grandes différences, tout de même : ici, pas de cris ni d’odeurs de poisson. Jonathan s’installe à sa place habituelle, dans le coin de la halle réservée au bio. A sa droite, Gilles vend du fromage et Martine du pain. A sa gauche, le miel d’Erwann. En été, il y a moins de monde sur le marché à cause des vacances et la vente des légumes ne dépasse pas 100 euros. Jonathan souligne que leurs revenus proviennent principalement de l’Amap, mais je ne comprends pas de quoi il parle.

Jour 3 La yourte est belle. Jonathan apprécie son faible coût de construction et sa nature écologique. La famille y habite depuis un peu moins de trois ans. Il y a l’eau courante, l’électricité, une porte-fenêtre (sans serrure), une triple fenêtre et une cheminée.

Jour 4 Mon premier jour de travail n’a pas été surchargé. Je n’ai commencé qu’à 9 heures. Jusqu’à midi, on a planté des semences dans des pots en plastique noir. Marielle, aussi grande que Jonathan, travaille quelques nuits par semaine comme infirmière dans un centre pour malvoyants. Ils ne regrettent pas le virage radical qu’ils ont donné à leur vie. Ils se sont connus lors d’une sortie à vélo. Plus tard, ils ont décidé de quitter Toulouse, où ils vivaient, pour s’installer à la campagne. Jonathan, cuisinier professionnel, s’est formé à l’agriculture. Marielle a pensé un temps s’occuper des bêtes, mais finalement elle a décidé de garder son travail.

Jour 5 Nous avons commencé à l’heure normale : 6 h 30. Mon travail consiste à arracher les mauvaises herbes entre les tomates. Jonathan indique que c’est le grand ennemi de l’agriculteur bio, elles captent l’eau des plantes et les empêchent de se développer convenablement. Hélène, une amie de Marielle, est venue manger avec nous. De temps en temps, un(e) ami(e) du couple vient à la ferme pour leur prêter main-forte. Hélène est venue aider à semer les betteraves.

Jour 6 Ce matin, j’ai cueilli les dernières fraises de la saison. J’ai également découvert ce qu’était une Amap : une Association pour le maintien d’une agriculture paysanne. Un groupe de personnes achète directement des produits agricoles au producteur, éliminant ainsi les distorsions du système de distribution. Absence de pesticides et qualité des produits garanties.

Jour 7 Je suis promue émondeuse. Il faut tailler les pieds de tomate afin qu’une seule tige se développe. En fin d’après-midi, nous partons pour un village voisin afin de participer à une fête locale. Dans ces fêtes, il y a toujours un marché nocturne plutôt bien fréquenté. Au final, nous avons en­grangé 2,60 euros [sic], mais pas le moindre stress. Jonathan et Marielle savent qu’ils sont perçus comme des nouveaux venus dans la région et que le retour sur investissement sera lent à venir. Avant d’aller me coucher, j’ai escaladé la colline jusque chez notre voisin, le seul habitant du coin qui ait Internet. Il fallait que j’envoie un signe de vie au Brésil. J’ai fait la découverte du clavier français, qui doit être un symbole de résistance de la France face à l’empire nord-américain…

Jour 8 Je ne sais plus depuis combien de jours je suis dans les Pyrénées, mais j’ai déjà oublié ce que sont des ongles propres et le bruit de la chasse d’eau. Saleté et propreté ont ici un autre sens.

Jour 9 Avec l’arrivée de Trisha, une autre wwoofeuse professeure de biologie à la ville, je suis devenue colocataire du bungalow. Trisha a 29 ans et vient d’Hawaï. Comme elle ne parle pas français, je cumule la fonction d’interprète français-anglais-français.

Jour 10 C’est dimanche, tout le monde est de repos. Nous nous rendons sur les bords d’un lac au pied des Pyrénées pour y nager parmi les canards et les enfants. Le soir, je cuisine du riz, des haricots, des crêpes au fromage et un brigadeiro [pâtisserie brésilienne au chocolat]. Dans cette région des Pyrénées, la nourriture est délicieuse pour une végétarienne comme moi. Ici, pas d’escargots, de foie gras ni de croissants. L’alimentation provient de trois sources : les légumes qui restent des ventes de la semaine, le troc avec les agriculteurs de la région et le magasin bio de Françoise.

Huit jours plus tard…

Jour 18 Trisha et moi sommes enthousiastes à l’idée d’assister à une étape du Tour de France. Marielle nous prête la voiture et nous voilà partis pour rejoindre la course. Mais les cinquante derniers kilomètres de la route que nous avons empruntée figurent sur l’itinéraire des coureurs et le passage est déjà bloqué par la police. Finalement, nous apercevons la course seulement pendant 25 secondes.

Jour 21 Je commence à ressentir derrière les cuisses l’existence de muscles que je n’avais jamais utilisés avant, même quand je faisais des heures de danse gymnique chaque semaine. Mon dos m’empêche de dormir dans toutes les positions.

Jour 22 Départ de bon matin pour la randoferme, un pique-nique collectif – plus de 100 personnes –, qui commence par une marche de 9 kilomètres et se termine par une autre de 7 kilomètres. Ensemble, mais chacun à son rythme, nous grimpons sur les collines, redescendons, traversons des bois, des champs de tournesols, des fermes. Pendant ce moment passé avec tous ces gens, je me suis sentie pour la première fois comme chez moi. Je connaissais toutes les familles du voisinage, les enfants se souvenaient de moi, je comprenais ce que les gens disaient et j’arrivais à répondre avec une certaine facilité.

Jour 26 Mon dernier jour commence comme de coutume : avec le soleil qui se lève derrière la forêt et un verre de lait entier. Puis tout va très vite. Je ferme mes valises et je quitte la ferme, laissant derrière moi mes habits de travail et de nombreuses fitas do Senhor do Bonfim [bracelets porte-bonheur en tissu de couleurs variées fabriqués à Salvador de Bahia].



20/07/2012
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