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CHINE Plutôt la prison que l’hospice !


Dans un pays qui vieillit, la question hante les Chinois du troisième âge : comment passer les dernières années de sa vie avec une retraite dérisoire ? Pour certains – c'est le cas de Fu Daxin –, la solution est toute trouvée : aller en prison.

24.07.2012 |

 

Dessin de Kazanevsky, Ukraine.

Dessin de Kazanevsky, Ukraine.

La place devant la gare de Pékin est noire de monde. En cet après-midi de septembre 2008, Fu Daxin, un vieux paysan de la province du Hunan (dans le sud de la Chine), a des crampes à l’estomac tellement la faim le tenaille. Du revers de la main, il essuie la sueur sur son front, puis finalement se décide : il va commettre un vol !

Tâtant dans sa poche son canif, le vieillard recherche anxieusement une cible. Au loin, il aperçoit un policier achetant une bouteille d’eau minérale. "Si je vole un policier, il me mettra directement en prison", pense-t-il. Mais, ses jambes n’étant plus très solides, le policier a déjà tourné les talons lorsque notre homme arrive sur place. A un guichet de la gare, une femme entre 40 et 50 ans fait la queue pour acheter un titre de transport, trois billets de 100 yuans [3 x 12,50 euros] à la main. Pour Fu Daxin, l’occasion est trop belle ! Il se faufile jusqu’à cette dame... et réussit à lui arracher un billet de 100 yuans. La femme fait volte-face sur elle-même... et découvre un vieil homme décharné serrant dans son poing son billet de 100 yuans. Fu Daxin la menace de son canif et lui demande en souriant : "S’il vous plaît, criez 'Au voleur' !"" Il est malade ce type", grommelle la femme qui, estimant avoir affaire à un déséquilibré, lui tourne le dos et reprend sa place dans la queue.

Une étudiante portant un sac à dos et traversant la place de la gare attire alors l’attention de Fu Daxin. "Donne-moi ton sac !" ordonne plusieurs fois le vieil homme à la jeune fille qui continue son chemin sans se retourner. Il est donc obligé de lui courir après et de lui attraper son sac à dos. Mais l’étudiante ne veut pas le lâcher. Au bout de plusieurs tentatives pour le lui arracher, le vieil homme sent ses forces faiblir. Alors, une nouvelle fois, il sort son canif pour inciter la jeune fille à crier : "Au vol ! Cette fois-ci, son cri est entendu par la police, à la grande joie de Fu Daxin, tout sourire.

Le 24 novembre 2008, le tribunal des transports ferroviaires de Pékin [le délit a été commis à la gare de Pékin] rend son jugement : comme Fu Daxin n’a pu arriver à ses fins pour des raisons indépendantes de sa volonté, il n’est reconnu coupable que de tentative de vol. De plus, comme il a reconnu son forfait, il n’est condamné qu’à deux ans de prison. Contrairement aux autres prévenus, c’est tout content que Fu Daxin fait son entrée dans l’établissement pénitentiaire. Les détenus ont rarement vu quelqu’un capable de manger autant. Il ne gaspille jamais rien. Il termine les plats des autres. En trois mois, il prend cinq kilos !

Alors qu’auparavant il devait supporter la douleur sans pouvoir se soigner, ici il lui suffit d’aller au dispensaire. Pour les pathologies les plus graves, il peut même être entrepris par des spécialistes. Un jour que Fu Daxin souffrait d’une inflammation de la prostate, faute de pouvoir recevoir des soins adéquats en prison, il est sorti, escorté par quatre policiers, pour aller consulter dans un hôpital privé. Sous les verrous, il se sent comme un coq en pâte, une impression qu’il n’avait pas ressentie depuis longtemps. Il aimerait que le temps passe un peu moins vite, mais toutes les bonnes choses ont une fin, et il finit par obtenir une remise de peine.

Le 7 mars 2010, Fu Daxin entre à l’hospice, dans le district de Qidong (province du Hunan), où plus de 90 % des personnes âgées n’ont pas accès à ce genre d’établissement. Pourtant, Fu Daxin n’est pas du tout satisfait de sa nouvelle vie qui, à ses yeux, ne vaut pas du tout celle qu'il menait derrière les barreaux. A l’hospice, il est d’abord logé en chambre double. Mais la personne qui occupe l’autre lit a eu récemment une attaque qui la rend paralysée et incontinente. Trop incommodé par les odeurs – il n’y a pas d’agent chargé de l’hygiène à l’hospice –, M. Fu est contraint de déménager.

Fu Daxin regrette sa vie en prison, mais, à 73 ans, il n’a plus le courage ni la force physique de provoquer un vol pour retourner dans ce "petit nid douillet"…



24/07/2012
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